"La vieillesse est comparable à l’ascension d’une montagne. Plus vous montez, plus vous êtes fatigué et hors d’haleine, mais combien votre vision s’est élargie !"
Au total ce sera 302 km et 9680 m de dénivelé positif, et environ 9200m en négatif.
Nous rentrons la tête pleine de souvenirs, d’images, du parfum des fleurs rencontrées sur le GR, et avec la satisfaction d’avoir réussi ce périple, car pour nous deux au départ, c’était un vrai défi.
Nous avons randonné dans quelques hauts lieux de l’hérésie cathare, du graal et des troubadours, sur un sentier qui relie les principaux châteaux de la frontière franco-aragonaise. C’est un itinéraire de méditation et d’émerveillement, de redécouverte d’une partie de l’histoire du 13ème siècle qui consacra l’effacement durable de la civilisation d’oc face à celle d’oïl.
Nous pourrions ajouter qu’il est des chemins de lumière menant à la redécouverte de soi. Des sentiers propices aux cheminements initiatiques, des parcours qui sont des voyages dans le temps et dans l’espace. Le sentier cathare est l’un d’eux. Sa poussière et ses cailloux attendent nos pas, ses garrigues et ses forêts nos bivouacs, ses horizons et ses châteaux nos regards. Le sentier cathare nous invite à toutes les rencontres et d’abord avec nous-mêmes, grâce à l’alchimie subtile de l’effort de la marche qui libère la pensée, des paysages sans cesse conquis et abandonnés, des vieilles pierres, enfin, qui témoignent, plantées sur les pogs, du passage du temps que nous avons su étonner et qui s’appelle l’Histoire.
Le sentier cathare, incongru et anachronique, serpente sur la chair occitane comme une balafre, comme le symbole du sort réservé par la modernité jacobine aux particularismes, régionaux et philosophiques.
Le sentier cathare, qui relie Port-la-Nouvelle à Foix, s’étire sur quelques 300 kilomètres de la Méditerranée au Pays de Foix, et offre au marcheur, des Corbières maritimes aux Pyrénées ariégeoises, l’occasion de s’émerveiller devant de nombreux paysages, et autant de châteaux qui ne sont d’ailleurs pas vraiment, ni tous « cathares », mais qui n’en évoquent pas moins les drames de l’histoire médiévale méridionale.
Comment oublier la silhouette mélancolique d’Aguilar, dont les ruines rappellent les tristes vers de Nerval, la silhouette altière de Queribus, ultime refuge des Parfaits cathares ? La silhouette aérienne de Peyrepertuse, « petite Carcassonne céleste » ? La silhouette romantique de Puivert, rendez-vous des troubadours, à l’ombre de laquelle on a envie de murmurer à l’oreille de sa compagne les mots de Guilhem d’Aquitaine : « Totz lo joys del mon es nostre» ? (toutes les joies du monde sont à nous). La silhouette mystique de Montségur, haut lieu de la résistance des derniers albigeois contre le roi de France, réceptacle de tous les mystères ? La silhouette enfin du château aux trois tours des comtes de Foix, qui abrita au 14ème siècle le flamboyant Gaston Phébus ?
Si l’altitude reste moyenne, les reliefs sont heurtés et les dénivelés surprenants. De la mer aux hautes terres, des garrigues aux forêts immenses, les influences du climat s’entremêlent et s’entrechoquent, et la pluie et le brouillard cèdent souvent la place à de rudes sécheresses. Mais le sentier cathare traverse surtout le domaine du soleil et du vent, de la chaleur torride et des hurlements de la Tramontane — comme si les tragédies exigeaient un décor à leur mesure, exalté, halluciné.
Des Basses Corbières faites de collines arides couvertes de pierres et de garrigue puis de vignes, de chênes verts enfin et de cades, aux vastes plateaux d’altitude semi-désertiques des Hautes Corbières dominés par le Pech de Bugarach. Passant par les gorges de Galamus où l’Agly invite à la baignade dans des « marmites de géants » remplies d’une eau couleur turquoise. De la Haute Vallée de l’Aude, pays de montagne et de pâturages où le sapin et les hêtres remplacent peu à peu le chêne vert et l’olivier, jusqu’aux immenses futaies des forêts du pays de Sault sous lesquelles se défient les cerfs à l’époque du brame. Du plateau de Languerail d’où l’on aperçoit pour la première fois Montségur sur son Pog, au riant pays d’Olmes, passant par les impressionnantes gorges de la Frau taillées dans le calcaire. Le sentier cathare entraîne le randonneur sur des terres sauvages, encore bruissantes du rêve d’une liberté perdue.
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